Deux policiers comparaissent lundi et pour cinq jours à Rennes pour "non-assistance à personne en danger" après la mort de deux jeunes dans un site EDF à Clichy-sous-Bois, un drame à l'origine de trois semaines d'émeutes dans les banlieues françaises.
Il y a dix ans, le 27 octobre 2005, une intervention de la police sur un chantier de Seine-Saint-Denis avait mis en fuite un groupe de dix mineurs parmi lesquels Muhittin Altun, Bouna Traoré et Zyed Benna.
Après avoir pris la direction d'un bois, les trois jeunes ont escaladé le mur d'enceinte d'un site EDF. Bouna Traoré, 15 ans, et Zyed Benna, 17 ans, vont y être mortellement électrocutés par un arc électrique. Muhittin Altun sera grièvement blessé par la chaleur produite par l'arc électrique.
La mort des deux adolescents avait été suivie par trois semaines d'émeutes dans les banlieues françaises. Le gouvernement avait dû décréter l'état d'urgence.
Lundi, le gardien de la paix Sébastien Gaillemin, 41 ans, qui était sur place, et Stéphanie Klein, 38 ans, qui était au standard du commissariat, comparaissent pour non-assistance à personne en danger. Ils encourent au maximum cinq ans de prison et 75.000 euros d?amende.
Une manifestation mercredi, ainsi que des rassemblements quotidiens devant le tribunal, le temps du procès, ont été annoncés par un collectif anti-police proche de certains groupes radicaux d'opposants au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, situé entre Rennes et Nantes.
Selon l'avocat des policiers Me Daniel Merchat "les éléments constitutifs de la non-assistance à personne en danger ne sont pas réunis". "Mes clients n'ont jamais eu la certitude qu'il y avait des individus dans le site", a-t-il assuré avant le procès.
Mais pour Me Jean-Pierre Mignard, avocat des familles, "les trois gosses sont des victimes, deux d'entre eux sont morts dans des conditions atroces. Et cela aurait pu être évité".
Dix ans d'attente
L'avocat critique la longue procédure judiciaire qui a abouti à ce procès. Pour lui, "il y a eu une volonté d'exténuer cette procédure en la retardant au maximum. Ça a failli réussir".
Mais finalement tous se félicitent que ce procès ait enfin lieu, pour mettre fin à une si longue attente et obtenir des réponses.
Car derrière "un sentiment de colère et d'incompréhension" toujours vif, "on veut savoir ce qui s'est réellement passé", a expliqué à l'AFP Siyakha Traoré, le grand-frère de Bouna.
"Ça fait dix ans qu'on attend ce procès", rappelle Adel Benna, le grand-frère de Zyed. "Il y a beaucoup de zones d'ombres. On n'arrive pas à comprendre", explique-t-il.
Même du côté des policiers, ce procès est attendu. "Mes clients sont soulagés de pouvoir être enfin entendus, parce qu'ils ont la conviction de n'avoir commis aucune faute, aucune erreur", a expliqué Me Merchat.
Il rappelle que depuis les faits les deux policiers sont toujours en fonction: "l'inspection générale de la police nationale n'a relevé aucune faute à leur encontre. Il n'y a pas eu de procédure disciplinaire".
Dix années d'attente auront été nécessaires pour parvenir à ce procès. Dans ce dossier les parquets successifs, de Bobigny à Rennes, ont toujours soutenu le non-lieu.
Mais ce sont les juges d'instruction de Bobigny, qui avaient rendu en octobre 2010 une ordonnance renvoyant les deux fonctionnaires de police devant le tribunal correctionnel pour non-assistance à personne en danger, qui auront finalement le dernier mot.
La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes suivra leur avis et renverra les deux policiers devant le tribunal correctionnel de Rennes.
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