PARIS (Reuters) - La note politique de la réforme territoriale s'annonce salée pour François Hollande, dont la nouvelle carte de France a réveillé les rivalités régionales de ses troupes et provoqué le courroux de ses alliés radicaux pour un gain incertain.
Signe de la tension qui règne chez les barons du Parti socialiste, l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault a tenté de peser sur les derniers arbitrages du président en plaidant lundi sur les réseaux sociaux, mais en vain, pour la fusion de sa région Pays de la Loire avec la Bretagne.
Selon les informations recueillies par Reuters, le nombre et la forme des régions de la nouvelle carte n'ont été décidées que quelques minutes avant le bouclage de la presse régionale dans laquelle le président a publié les grandes lignes de sa réforme.
Fondée sur des critères souvent jugés arbitraires, la création de 14 super-régions a été qualifiée à droite de "fait du prince" par l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
"Tous les ingrédients d'un échec sont réunis", a estimé mardi pendant la séance des questions au gouvernement le chef du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Christian Jacob, qui se retrouve sur la même ligne que le Front de gauche, pour laquelle la réforme est "détestable" et entraînera une "désertification".
A gauche, les alliés radicaux de François Hollande qui, au contraire des écologistes, sont restés au gouvernement après la démission de Jean-Marc Ayrault en avril, ont également jugé la réforme inacceptable, la qualifiant de "coup de force".
REFERENDUM IMPOSSIBLE
Avant même que soit abordée la question du nom des nouvelles régions ou de leur capitale, la réforme fait l'effet d'une grenade dégoupillée sur l'ensemble de l'échiquier politique.
"Je mesure tout à fait les difficultés qui président à un changement d'organisation territoriale", a reconnu le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, interrogé sur la capacité de l'exécutif à mener cette réforme présentée comme essentielle pour sauver un quinquennat compromis.
Décidée au lendemain de la déroute du Parti socialiste aux élections européennes, l'accélération de la réforme nourrit les procès en indécision intentés par l'opposition et une partie de l'opinion à l'encontre du chef de l'Etat.
Le nombre de régions retenues par François Hollande est supérieur aux 11 à 12 qu'il avait lui-même précédemment évoqué, et la suppression des conseils généraux est reportée à l'horizon 2020 pour éviter une révision constitutionnelle hors de portée.
Cette procédure suppose un référendum ou une ratification par le Parlement à la majorité des trois cinquièmes.
Dans un contexte de révolte d'une minorité grandissante de parlementaires socialistes et de la défiance de l'opinion, l'exercice aurait été extrêmement périlleux dans les deux cas.
Le Premier ministre, Manuel Valls, a exclu de consulter les Français compte tenu de l'impopularité de François Hollande.
"Face à cette question d'intérêt général, vous répondriez à une autre question, vous répondriez concernant le président de la République car ce serait lui qui poserait la question", a estimé sur BFM-TV Manuel Valls, qui a dit redouter "l'addition de tous les contraires" sur ce type de scrutin.
ÉCONOMIES DOUTEUSES
Afin d'apaiser la "grogne" suscitée par la réforme, le Premier ministre a promis de laisser une part d'initiative, encore à définir, aux parlementaires.
"Il peut y avoir des évolutions, l'essentiel est de réduire le nombre de régions", a dit le Premier ministre, précisant que le débat s'ouvrirait en juillet au Sénat, après la présentation de deux textes de loi en conseil de ministre, le 18 juin.
Le gouvernement espère boucler la réforme en novembre, au prix d'une bataille parlementaire, afin de pouvoir procéder aux élections régionales et départementales l'année suivante.
Le coût politique de la réforme s'annonce lourd pour le président qui ne peut compter sur ses effets à court terme pour réduire la dépense publique.
Pour le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale, André Vallini, les synergies attendues de la création du super-régions dotées de pouvoirs économiques élargis ne viendront que dans quelques années seulement.
"Je pense qu'à moyen terme, entre cinq et dix ans, en faisant des économies d'échelle, en supprimant les chevauchements de compétences, les doublons, on peut arriver à une dizaine de milliards d'euros d'économies", soit un peu moins de 5% du budget global des collectivités locales françaises.
Mais des spécialistes des finances publiques, de gauche comme de droite, et des experts indépendants doutent de ce chiffre et tablent sur des économies plus faibles.
(Avec Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)